J’ai grandi à une époque où tout était plus simple. On croyait ou on ne croyait pas.Les catholiques étaient majoritaires mais peu pratiquants, on discutait de savoir si les mormons et les témoins de Jéhovah étaient des sectes ou pas. On admirait les Baptistes qui, courageusement, construisaient leurs églises. Les protestants semblaient assez rigides et les musulmans étaient ces gens au teint mat et au drôle d’accent.

Mon père étant assez opportuniste du culte, il fut tour à tour fervent catholique, puis anti- clérical puis de nouveau  croyant quand, après son divorce d’avec ma mère, il nous déménagea de Flémalle à Visé.

J’ai donc été baptisée.  J’ai fréquenté le Sacré- Cœur qui était toujours dirigé par les bonnes sœurs qui m’obligeaient à manger les sardines à l’huile que ma marâtre, qui devait s’identifier à la mère de ce brave Brasse Bouillon, s’entêtait à mettre dans ma cantine. Je suis allée au Patro, et j’ai vu le Doyen de Visé reluquer les grandes du camp d’été, depuis la butte qui surmontait les douches en plein air.

Ces expériences ont créé le lit de l’athée que j’allais devenir quelques années plus tard.

Ma mère s’était enamourée d’un de ses collègues, qui devint peu après mon second beau-père. Il était militant socialiste, nous vivions à Flémalle. C’est donc grâce à leur passion, brève, mais intense, que j’ai eu le privilège de rencontrer André Cools.

Ces années cruciales de l’adolescence, je les ai passées dans les Maisons du peuple, entourée de gens qui riaient, qui buvaient, qui fumaient, qui dansaient, qui s’aimaient. J’ai connu les campagnes électorales animées, les discussions jusqu’à pas d’heure, celles pendant lesquelles  on refaisait le monde. Je dis on, mais c’était eux surtout. Moi, j’écoutais, je buvais leurs mots, je m’imprégnais de leur besoin de justice. C’est tout naturellement que ma mère s’est retrouvée, avec d’autres, à créer les premières Maisons de la laïcité. Liège, Flémalle, Dalhem…Je me souviens aussi de Claude Dejardin, qui fut un des premiers députés européens. Il nous fit découvrir les refugies chiliens, le quartier espagnol. Impossible de devenir raciste quand on a eu la chance de baigner dans cet univers.

A cette époque, quand on me demandait ce que j’étais, je répondais fièrement: » je suis athée et socialiste »

Les années ont passé. Je me suis mariée, civilement, j’ai eu des enfants, qui n’ont pas été baptisés, mais je n’étais plus militante.

Mon mari n’était pas croyant, la plupart de nos amis non plus. De temps en temps, nous bouffions du curé, ça ne gênait personne, on trouvait même ca plutôt drôle. On ne bouffait pas de l’imam ou du rabbin, mais on riait bien quand Desproges ou Bedos faisait un sketch qui parlait d’eux.

C’était l’époque de la liberté d’expression, la vraie. On ne brûlait ni les bibles, ni les corans. On ne menacait pas les artistes. On manifestait pour la justice sociale, le droit à l’avortement. C’était  l’époque d’avant internet, où il fallait chercher les réponses à ses questions dans les livres . L’époque à laquelle j’ai eu envie de lire la Bible, la Torah et le Coran. Puis,  j’ai divorcé, et j’ai rencontré celui qui est mon mari depuis 18 ans. Il est catholique, pas fervent, mais chatouilleux de la foi.  Plutôt de droite, pas extrême, mais de droite quand même.

C’est lui qui m’a fait comprendre que la foi est quelque chose d’irrationnel qu’il est indispensable de respecter. Lui qui m’a ouvert les yeux sur le fait que les athées se montrent souvent aussi intolérants que les religions qu’ils dénigrent. C’est mon mariage qui m’a surtout appris que ce n’est pas en prenant les gens de face qu’on arrive a se faire entendre. Qu’il est nécessaire de s’exprimer en gardant la sensibilité de son interlocuteur en tête.Je ne suis plus athée, et je ne me reconnais plus dans ce qu’est devenu le parti socialiste belge. Mais je me revendique de l’idéologie de l’époque Cools, et je ne désespère pas qu’elle reprenne le dessus.

D’athée, je suis devenue agnostique, puis humaniste.  Aucune de ces dénominations ne me convient totalement et seulement mais, dans notre monde compartimenté, je n’ai pas trouvé mieux.

Je suis toujours à la recherche d’un nom qui me correspondra. Un terme qui pourra décrire qui je suis. Je ne crois pas en un ou plusieurs dieux, mais je respecte ceux qui y croient. Je crois que la tolérance et l’empathie sont la solution aux problèmes de notre société. J’ai foi dans l’humain et dans sa capacité, s’il le veut vraiment, à être heureux.

Et grâce a Internet, je sais que je ne suis pas la seule.